Les réseaux maritimes de Venise à la fin du Moyen Age
Jong-Kuk Nam
I.
Introduction
II.
L'élargissement des réseaux maritimes
III.
Les qualités des réseaux maritimes : la vitesse,
le rythme, la fréquence, l'intensité
IV.
Les fonctions des réseaux maritimes
V. Conclusion
I. Introduction
Par quels moyens, à quelle vitesse, et avec quelle
fréquence étaient effectués l'échange des marchandises, la transmission
des nouvelles et des informations, et le déplacement des hommes entre les
villes médiévales en Europe ? Les moyens fréquemment utilisés étaient les
transports par mer et par rivière. Ceux-ci étaient préférables au transport par
terre qui était plus coûteux que les précédents. Le transport massif des
marchandises était donc réalisé plus souvent par mer. Ce phénomène est attesté
par le fait que les villes maritimes comme Venise, Gênes, et Barcelone jouaient
un rôle principal dans les échanges commerciaux internationaux sur une grande
échelle en Europe au Moyen Age.
Cet article vise à estimer le niveau et la dimension
de la communication entre les villes par mer en analysant les réseaux maritimes
de Venise à la fin du Moyen Age. Ceux-ci étaient une infrastructure de premier
ordre permettant de faire circuler biens, nouvelles, informations et hommes.
Ils rythmaient l'année marchande de Venise et celle d'autres villes. Les
recherches sur l'étendue géographique et le rythme des réseaux maritimes
vénitiens pourraient donc montrer l'intensité et la fréquence de la
communication médiévale par mer.
Le cas de Venise représente un bon exemple. La
principale raison est que la ville de Venise organisait les réseaux maritimes
les plus diversifiés, les plus réguliers et les plus efficaces, non seulement
en Méditerranée, mais aussi en mer Noire et en mer du Nord à la fin du Moyen
Age. La seconde raison, c'est que les documents disponibles pour notre sujet
sont nombreux. Dans les archives d'Etat de Venise, l'un des fonds les plus
précieux pour notre sujet est celui du Sénat. Grâce aux registres du Sénat,
nous sommes bien renseignés sur plusieurs aspects des réseaux maritimes de
Venise. Les archives d'Etat de Venise sont également très riches en documents
rédigés par les marchands. Les marchands établissent plusieurs types de
documents : correspondance, livres de comptes, factures d'envoi, valute, contrats de transport. Ces
sources marchandes sont conservées dans trois fonds.[1]
La plupart des recherches situent les réseaux
maritimes de Venise dans le contexte économique, celui du transport des
marchandises et de la base du succès commercial de cette ville. Elles se
concentrent nécessairement sur la répartition géographique des réseaux
maritimes et sur le volume des marchandises transportées par les navires
vénitiens. Les convois officiels effectuant la plus grande partie du transport
vénitien sont ainsi l'objet principal des recherches. Surtout F. C. Lane et E.
Ashtor suggèrent que la navigation vénitienne était composée en grande partie
des convois de galées et de coques sous gestion directe de l'Etat. Par contre
ils négligent le rôle de la navigation libre et désarmée dans le transport de
Venise à la fin du Moyen Age.[2]
Cependant les réseaux maritimes avaient non seulement
la fonction de transport des marchandises, mais aussi celle de transmission des
informations et des nouvelles. Celle-ci devenait plus importante, au fur et à
mesure que les marchands et leurs techniques commerciales se développaient vers
la fin du Moyen Age. A la différence des recherches déjà établies, notre
recherche replace les réseaux maritimes dans un autre contexte, celui de la
circulation des informations et des nouvelles. Pour cela, notre étude essaye
tout d'abord d'établir la structure des réseaux maritimes de façon aussi
complète que possible. Deuxièmement, nous allons nous efforcer d'estimer la
qualité et la dimension des réseaux maritimes en analysant la vitesse, le
rythme, la fréquence et l'intensité. Dernièrement, nous aborderons une fonction
de plus en plus importante des réseaux maritimes, c'est-à-dire la transmission
des informations et des nouvelles, en tenant compte du fait que les navires
privés jouaient un rôle non négligeable dans la circulation des nouvelles et
des informations, même s'ils transportaient beaucoup moins de marchandises que
les convois officiels. Donc, à partir de nombreux documents marchands, nous
allons apprécier le rôle de l'ensemble des réseaux maritimes de la navigation
non-officielle.
II. L' élargissement des réseaux maritimes
Combien de ports voyaient le passage des navires
vénitiens à la fin du Moyen Age? Les réseaux maritimes vénitiens ont été élargi
vers la fin du Moyen Age, par conséquent plus de ports ont profité du service
vénitien du transport. Ce dernier est devenu plus régulier, plus garanti et
plus stable.
Cet élargissement a été fait à l'initiative du
gouvernement de Venise. Pour comprendre les réseaux maritimes il faut tenir
compte de la politique de transport maritime de l'Etat de Venise. Celle-ci se
résume par la gestion directe de la République sur l'ensemble de la navigation
et par son intervention efficace.[3]
L'intervention de l'Etat a finalement abouti à l'installation des convois
officiels de galées au tournant de 1300, un système unique à l'époque, qui a
été imité au début du XVe siècle par Florence. Les convois de galées
fonctionnaient selon le système de l'Incanto,
c'est-à-dire de mise aux enchères par l'Etat des galées communales fabriquées
par l'Arsenal. Grâce aux documents exceptionnellement riches qui présentent
plusieurs aspects de ce système, les détails de l'Incanto sont bien
connus : conditions du voyage et des galées, armement, routes et escales,
gestions, subventions, mesures pour garantir le profit des galées, délais,
patron, capitaine, équipage, salaires et privilèges, conditions de vie à bord,
marchandises et nolis, enchères.[4]
Le premier convoi de galées fut en direction de la
Romanie et de la mer Noire tout au début du XIVe siècle.[5]
Le convoi vers Chypre et Arménie s'est mis en place à la même époque. En 1315 est
établi le convoi de Flandres qui gagnait aussi l'Angleterre. D'autres lignes de
galées ont été successivement organisées vers la fin du Moyen Age. Le convoi en
direction d'Alexandrie a été installé en 1345, celui de Beyrouth en 1374. La
ligne d'Aigues-Mortes qui gagnait le Midi de la France, a été créée en 1402.
L'Etat de Venise a mis en place deux dernières lignes de galées vers l'Afrique
du Nord, le convoi de Barbarie en 1436, le convoi du Trafego en 1460. Au total,
la République organisait huit lignes de galées qui parcouraient la
Méditerranée, la mer Noire et la mer du Nord. Chaque année, une vingtaine de
galées étaient mobilisées pour le service public de transport. Le service des
huit convois se déroula assez régulièrement jusqu'à leur abandon progressif au
cours du XVIe siècle.
L'année 1366, notamment, marque un tournant décisif.
En effet, le gouvernement vénitien a alors établi trois lignes officielles de
coques[6],
dont le premier objectif était le transport du coton du Levant à Venise.[7]
Parmi ces trois convois de coques, celui reliant la Syrie à Venise était le
plus important. Le convoi de coques qui gagnait le port d'Alexandrie était
moins important que celui de Syrie. Le convoi de Chypre ne fonctionnait pas
aussi bien que ceux de Syrie et d'Alexandrie, et a été probablement suspendu
rapidement. En effet, c'est de façon régulière qu'avaient lieu les enchères aux
fins d'attribution des convois de coques pour le voyage de Syrie et
d'Alexandrie, comme en témoignent les jugements enregistrés dans les registres
du Sénat et du Collegio Notatorio. Mais ces documents restent quasiment muets
sur les enchères du convoi de Chypre.
Le
système et la gestion des convois de coques sont beaucoup moins étudiés que
ceux des galées. Les convois de coques fonctionnaient sur le même modèle que
celui du système de l'incanto des galées. Une délibération du 23 mai 1426
prescrit clairement que pro viagio Sirie deputentur due coche que incantari
debeant die sabati ad publicum incantum in Rivoalto.[8]
Au lieu du terme incanto, les clauses relatives au convoi de coques
portent souvent le titre d'ordo. Le titre complet du convoi de septembre
1427 est ordo navigandi ad partes Syrie.[9]
La procédure de sélection des coques composant le convoi était identique à
celle des galées. Les délibérations étaient publiées au Rialto, et la
mise aux enchères des coques avait lieu au même endroit. Les enchères ne
pouvaient être valides que si toutes les coques trouvaient preneurs.
Les délibérations du Sénat et la correspondance des
Archives Datini nous permettent de connaître le nombre des navires mis en
recrutement pour le transport du coton du Levant à Venise. Une dizaine de
coques étaient mobilisées chaque année et de façon régulière au cours du XVe
siècle, avec une légère fluctuation selon les périodes.[10]
L'Etat de Venise organisait aussi un convoi officiel
de coques à destination de la Crète, nommé muda
vindemiarum, dont l'objectif principal était le transport du vin crétois à
Venise. Sa gestion était à peu près identique à celle du convoi de coques de
Syrie. En 1432, l'Etat de Venise a mis en voyage vers la Crète trois navires
ronds. Mais il n'est pas certain que le gouvernement de Venise utilisait
constamment ce convoi des vins de Crète.[11]
Les avantages des convois officiels étaient avant
tout la sécurité et la régularité de leur service du transport garanti par
l'Etat.[12]
En réalité, le gouvernement vénitien privilégiait les convois officiels, en
leur accordant le monopole de chargement pendant la muda et le moindre coût du transport.[13]
D'après F. C. Lane, les convois de galées et ceux de coques sous gestion de
l'Etat gagnaient en importance, tandis que la navigation libre se raréfiait. E.
Ashtor partage la même opinion.[14]
Il est certain que les convois officiels jouaient un rôle de premier ordre dans
le transport des marchandises. Les marchands vénitiens utilisaient plus
fréquemment les convois de galées pour le transport des épices et ceux de
coques pour le transport du coton. Grâce à ces avantages, les marchands
étrangers voulaient eux aussi les utiliser.[15]
Mais, en ce qui concerne la transmission des
informations et des nouvelles, il ne faudrait pas accentuer le rôle et
l'importance des convois officiels autant que pour le transport des
marchandises. En réalité, les navires non-officiels jouaient un rôle non
négligeable dans la circulation des nouvelles, même si leur rôle dans le
transport des produits était faible en comparaison de celui des navires
officiels.[16] En effet, c'était les
navires de propriété et de gestion privée qui avaient la charge de transmettre
les documents privés et publics en dehors de la période où les convois
officiels naviguaient, une ou deux fois chaque année, puisque la communication
par correspondance était plus fréquente que le passage des convois d'Etat de
Venise. Par exemple, Lorenzo Dolfin utilisait non seulement le convoi de galées
de Flandres, mais également les navires privés pour envoyer les lettres de
Venise vers les marchés atlantiques, Londres et Bruges.[17]
Les documents sur les navires non-officiels sont
beaucoup moins nombreux que pour les convois de galées et ceux du coton ou du
vin sous la gestion directe de l'Etat. Mais, E. A. Congdon suggère que
le transport privé n' était pas négligeable. Utilisant les documents
commerciaux de Datini, elle trouve 180 voyages de navires sous gestion privée
de 1395 à 1420, soit sept voyages par an.[18]
F. Melis établit un tableau sur le mouvement du port de Beyrouth d'après la
documentation florentine aux environs de 1400. Selon cette enquête, en moyenne
dix-huit ou dix-neuf navires vénitiens visitaient le port de Beyrouth chaque
année. Mais, ces chiffres ne sont pas complets, car les sources sont lacunaires
et elles ne peuvent pas comprendre la totalité du mouvement du port de
Beyrouth.[19] A cette époque, les
navires sous gestion de l'Etat qui passaient au port de Beyrouth, étaient le
convoi de coques pour le transport du coton et celui de galées pour le
transport des épices. En moyenne, une dizaine de coques et cinq galées étaient
mobilisées pour le transport entre Venise et Beyrouth. Cependant, toutes les
coques n'y pas faisaient escale. Tout considéré, il semble que plus de quatre
ou cinq navires privés passaient au port de Beyrouth.
Combien de navires vénitiens étaient engagés dans la
navigation lointaine reliant la métropole et les ports maritimes
étrangers ? Selon la harangue du doge Tommaso Mocenigo à la fin de sa vie
en avril 1423, à Venise existaient trois mille petits navires, trois cents
navires de moyenne et grande taille et quarante-cinq galées.[20]
Parmi ces nombreux navires, une vingtaine de galées et quinze coques étaient en
général mobilisées pour le transport public contrôlé par l'Etat de Venise.[21]
Le fait qu'une faible partie de ces trois cents navires était recrutée par le
gouvernement suggère que de nombreux navires privés de moyenne ou grande taille
participaient, eux aussi, au transport à longue distance par mer. Cependant,
selon F. C. Lane, la plupart de ces trois cents navires avaient un tonnage de
100 tonnes et étaient donc utilisés pour la pêche ou le transport à courte
distance, normalement dans l'enceinte de la mer Adriatique, d'humbles
marchandises comme le blé, l'huile d'olive, le bois, la pierre, et ne
figuraient pas sur les grandes routes maritimes de l'échange interrégional. Il
conclut que trente-cinq navires ronds avaient un tonnage de 240 tonnes ou plus
et étaient utilisés sur les grandes routes méditerranéennes au-delà de la mer
Adriatique.[22]
Toutefois, il est difficile de connaître le nombre
précis des navires privés engagés dans le transport international. Probablement
plus de trente-cinq navires ronds et une vingtaine de galées, chiffre proposé
par F. C, Lane, parcouraient la Méditerranée, la mer du Nord et la mer Noire.
Ces navires vénitiens faisaient escale dans la plupart des ports principaux en
Méditerranée, en mer Noire et en mer du Nord.
Tableau 1. - Les ports maritimes où les convois officiels de galées et de
coques faisaient escale
Région |
Ports maritimes |
Adriatique |
Pula, Zara, Raguse, Durazzo, Ancône, Corfou, Clarence, Modon, Coron. |
Egée |
Cap Malée, Candie, Négrepont, Thessalonique, Constantinople, Nauplie |
Mer Noire |
Maurocastron, Sinope, Simisso, Trébizonde, Caffa, Tana |
Levant |
Rhodes, Chypre (Paphos, Episkopi, Limassol, Salines, Famagouste), Syrie
(Jaffa, Acre, Beyrouth, Tripoli, Laodicée), Egypte (Alexandrie) |
Méditerranée occidentale |
Sicile (Messine, Palerme, Messine), Reggio C., Naples, Gaète,
Civitavecchia, Talamon, Porto Pisano, Marseilles, Port de Bouc,
Aigues-Mortes, Agde, Collioure, Barcelone, Valence, Majorque, Malaga, Cadix,
Lisbonne, Cartagène, Alméria, San Lucar de Barraneda. |
Mer du Nord |
|
Afrique |
Honein, Oran, Alger, Bougie, Bône, Tunis, Sfax, Djerba, Tripoli |
III. Les qualités des réseaux maritimes : la vitesse, le rythme, la fréquence, l'intensité.
Il est vrai que Venise organisait les réseaux
maritimes les plus diversifiés, les plus réguliers et les plus efficaces à la
fin du Moyen Age, qui desservaient de nombreux ports maritimes principaux.
Toutefois la répartition géographique des réseaux maritimes ne montre pas tout.
Il faut donc tenir compte d'autres aspects, comme la vitesse, le rythme, la
fréquence et l'intensité des réseaux maritimes pour estimer le niveau et la
dimension de la communication entre les villes, surtout portuaires, en Europe à
la fin du Moyen Age.
Quelques personnes ont déjà fait des recherches sur
le rythme, la vitesse, l'intensité de la circulation des marchandises et des
informations.[23] Analysant la durée de la
communication entre Venise et trente-sept villes, F. Melis a montré l'intensité
et la régularité de la diffusion des informations économiques à la fin du Moyen
Age. P. Sardella a fait une recherche sur les tendances, durée, intensité de
l'action économique de la nouvelle au début du XVIe siècle. Le tableau suivant,
établi selon les données offertes par ces deux chercheurs, montre le temps
moyen de transmission des nouvelles entre Venise et les autres villes.
Tableau
2. – La durée (en nombre de jours) de transmission des nouvelles entre Venise et les
autres villes
Régions |
Autour de 1400 |
Début du XVIe siècle |
|
Londres |
Atlantique |
33 |
|
|
|
26 |
|
|
|
|
16 |
|
|
|
14 |
Barcelone |
Méditerranée occidentale |
21 |
12 |
Majorque |
|
24 |
|
|
|
22 |
|
|
|
44 |
|
Lisbonne |
|
|
43 |
|
|
15 |
8 |
Palerme |
|
16 |
25 |
|
|
|
12 |
|
|
19 |
|
Zara |
Adriatique |
|
6 |
Corfou |
|
|
15 |
Ancône |
|
4 |
|
Raguse |
|
10 |
14 |
Coron et Modon |
|
16 |
|
Candie |
Egée et mer noire |
|
33 |
|
|
38 |
34 |
|
|
29 |
|
Nauplie |
|
|
34 |
Tana |
|
60 |
|
|
Levant |
33 |
|
Beyrouth |
|
39 |
|
|
|
35 |
|
Alexandrie |
|
38 |
55 |
Selon ce tableau, la différence
entre les deux dernières données n'est pas importante. Parties de Venise, les
nouvelles gagnaient en moyenne les ports du Levant et de la mer du Nord en un
mois. La durée maximale de la diffusion des nouvelles de Venise était de deux
mois pour la Tana en mer Noire.
Mais la durée ne nous dit pas
l'intensité et la fréquence de la communication. Si le voyage entre Venise et
la mer du Nord a lieu une fois par an, la communication réelle entre deux
partenaires se réalise une fois par an, malgré seulement deux mois nécessaires
pour l'aller-retour. Donc il faut également tenir compte de la fréquence pour
estimer le niveau des réseaux maritimes.
Les convois de galées organisés par l'Etat de Venise
faisaient un voyage par an, sauf le convoi de pèlerins voyageant deux fois
annuellement. Ceux de coques naviguaient à deux reprises chaque année. Le
rythme du convoi de coques correspondait à celui de la muda, la période autorisée pour le chargement de marchandises
données dans telle ou telle région. Venise avait en principe deux mude chaque année : celle de
printemps et celle d'hiver.[24]
Le
calendrier était un peu différent selon les régions productrices et subissait
parfois des modifications et des prorogations, ce qui provoque des désaccords
entre les historiens.[25]
En général, la muda avait lieu aux mois de mars et de septembre en
Syrie, en Egypte et à Chypre. En Romanie, le chargement du coton était autorisé
aux mois d'avril et d'octobre.[26]
Le rythme de la muda déterminait
celui de l'investissement et du profit.[27]
Mais
le rythme des convois officiels et de la muda,
soit une ou deux fois par an, ne nous dit pas exactement l'intensité et la
fréquence de la communication entre Venise et d'autres villes portuaires. En
effet, l'analyse de la correspondance marchande montre que la communication par
mer était plus intense et plus fréquente que celle de la navigation officielle.[28]
Le tableau suivant est établi selon les lettres envoyées à Simone d'Andrea
Bellandi demeurant à Barcelone par Bindo di Gherardi Piaciti, facteur de la
compagnie Datini installé à Venise.[29]
Tableau
3. - La correspondance de Bindo di Gherardi Piaciti de Venise à Barcelone
Date de rédaction |
Lieu de réception |
Date de réception |
Sources |
|
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114206) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114207) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114208) |
Venise |
|
Barcelone |
1400/12/? |
927(114209) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114210) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114211) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114212) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114213) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114214) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114215) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114216) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114217) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114218) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114218) |
Venise |
|
Barcelone |
|
927(114219) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114221) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114222) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114223) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114224) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114225) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114226) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114227) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114228) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114229) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114230) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114231) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114232) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114233) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114234) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114235) |
Venise |
|
Barcelone |
|
928(114236) |
Venise |
|
Barcelone |
|
929(516118) |
Venise |
|
Barcelone |
|
929(516122) |
Venise |
|
Barcelone |
|
929(516125) |
Venise |
|
Barcelone |
|
929(516128) |
Avant l'année 1406,
où le convoi de galées de Barbarie a été installé, aucun convoi officiel
vénitien ne desservait le port de Barcelone.[30]
Malgré l'absence du service de transport au nom de l'Etat de Venise, les
marchands vénitiens envoyaient des lettres chaque mois à leurs partenaires à
Barcelone, ce qui signifie qu'il existait déjà des réseaux maritimes privés
reliant Venise à Barcelone chaque mois. La correspondance très fréquente entre
Venise et Barcelone est également montrée par une lettre du 24 juin 1402
envoyée de Venise à Barcelone par la compagnie de Luigi et de Luca de Matteo
Davanzati. Selon cette lettre, l'expéditeur a écrit une semaine avant, soit le
17 juin 1402, une autre lettre au même destinataire, la compagnie de Datini,
qui a envoyé une lettre du 13 mai destinée à cette compagnie de Davanzati.[31]
Les lettres de
Lorenzo Dolfin entre 1420 et 1440 attestent également que la correspondance
entre Venise et les deux principaux marchés atlantiques, Bruges et Londres,
était plus fréquente et plus intense que le convoi de galées de Flandres
reliant Venise, Londres et Bruges une fois par an.[32]
Lorenzo Dolfin, marchand vénitien, recevait des lettres expédiées de Bruges et
de Londres tous les mois sauf les mois de mai et de juin.[33]
L'intervalle de la transmission des nouvelles entre Venise et les marchés
atlantiques comme Londres et Bruges était bref. D'après une lettre du 18
septembre 1425 envoyée de Bruges à Venise, le 28 juillet 1425 Lorenzo Dolfin a
expédié une lettre à Francesco Ranier, son partenaire à Bruges, qui l'a reçue
le 25 août. Le 18 septembre, Francesco Ranier a envoyé une lettre de réponse à
Lorenzo Dolfin.[34] Un autre marchand
vénitien de la même époque, Andrea Barbarigo, recevait des lettres écrites aux
mois de mai et de juin à Londres ou à Bruges.[35]
Le consul vénitien en poste à Londres ou à Bruges, lui-aussi, envoyait chaque
mois le rapport adressé au gouvernement de Venise.[36]
Tableau 4 – La correspondance de Lorenzo Dolfin de Londres ou Bruges à
Venise
Lieu de rédaction |
Date de rédaction |
Lieu de réception |
Date de réception |
Sources |
||||||||||||
Bruges |
1422/08/07 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1422/08/27 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1422/10/10 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1423/01/26 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1423/02/20 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1423/02/21 |
Venise |
|
Melis, p. 314. |
||||||||||||
Bruges |
1423/08/01 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1423/09/09/20 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1424/02/20 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1424/03/06 |
Venise |
1424/0/27 |
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1424/03/31 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1424/04/06 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1424/09/18 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1424/10/15 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1425/03/23 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1425/03/23 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1425/04/15 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1425/11/29 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Bruges |
1426/11/27 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1429/08/09 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1429/10/28 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1429/12/22 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1430/03/07 |
Venise |
|
Melis, p. 316. |
||||||||||||
Londres |
1441/10/30 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1441/12/10 |
Venise |
|
Melis, p. 188 |
||||||||||||
Londres |
1442/10/11 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1443/01/11 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1443/02/27 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1443/07/03 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1443/09/21 |
Venise |
|
Busta 282 |
||||||||||||
Londres |
1445/03/13 |
Venise |
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Les lettres envoyées
à son maître Niccolo Giustiniani par Francesco Bevilaqua faisant des affaires
commerciales à Acre en 1470 permettent de tirer la même conclusion que la
correspondance marchande était plus fréquente que les deux ou trois passages
annuels garantis par l'Etat de Venise. Le facteur expédiait des lettres à son
maître à Venise en dehors des mois de mars et de septembre où les marchands
vénitiens avaient la muda en Syrie.[37]
Dans les années 1410-1420, la fraterna Soranzo
qui se spécialisait dans le commerce du coton en Syrie, utilisait, elle aussi,
les navires libres et désarmés, autant que les convois de coques et de galées,
pour communiquer avec ses agents sur place, même si elle transportait du coton
nécessairement à bord du convoi de coques qui passait en Syrie aux mois de mars
et de septembre.[38] En effet cette fraterna envoyait ou recevait de la
correspondance pendant les mois d'absence des convois officiels.[39]
Tableau 5 – La correspondance d'Acre à Venise
Date de rédaction |
Lieu de réception |
Date de réception |
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L'étude attentive des
documents marchands permet de conclure que la correspondance était plus
fréquente que le passage des convois officiels de galées ou de coques de l'Etat
de Venise. Si ceux-ci fonctionnaient une ou deux fois par
an, la communication par correspondance était réalisée presque chaque mois. Ce fait
témoigne de la présence des navires privés reliant aussi fréquemment (au
moins chaque mois) Venise et d'autres villes portuaires. En fin de compte,
l'intensité de la communication, selon les réseaux maritimes de Venise reliant
celle-ci à d'autres ports importants en Méditerranée, en mer Noire et en mer du
Nord, était de plusieurs courriers par mois.
VI. Les fonctions des réseaux maritimes
Les réseaux maritimes vénitiens étaient le véritable
support matériel permettant de faire circuler marchandises, nouvelles, informations
et hommes. Ils avaient une grande valeur pour Venise et ses citoyens. Grâce à
cette infrastructure, les marchands vénitiens pouvaient avoir une place
quasiment monopolistique dans le commerce de certains produits comme les
épices, le coton, etc.[40]
De plus, les flottes d'Etat servaient de moyen de domination coloniale pour
Venise au XVe siècle.[41]
Les réseaux maritimes vénitiens exerçaient également
une grande influence sur les villes où les navires vénitiens faisaient escale.
En effet, ils rythmaient les activités commerciales et la communication entre
les villes. En Syrie, les mois de septembre et d'octobre où le convoi de galées
et celui de coques passaient au port de Beyrouth étaient un temps d'affaires
intenses.[42] Le mois de décembre, qui
voyait la concentration des navires retournant d'Outre-mer avec des
marchandises, comprenait la grande foire de Noël, où nombreux marchands venus
de divers pays ou régions, surtout les marchands nommés tedeschi, se pressaient de faire des transactions.[43]
La fonction majeure des réseaux maritimes était
celle du transport des marchandises. Celui-ci activait l'échange commercial et
développait l'industrie. Par exemple, l'installation du convoi de galées de
Flandres au début du XIVe siècle a augmenté le volume du trafic entre Venise et
l'Atlantique tout en causant en partie le déclin des foires de Champagne. Le
convoi de coques de Syrie, dont l'objectif principal était le transport du
coton, a stimulé le développement de l'industrie du verre à Venise.
Les réseaux maritimes vénitiens avaient également
pour but la circulation des informations et des nouvelles. L'importance de
cette dernière fonction fut plus remarquable vers la fin du Moyen Age. Il était
plus essentiel d'avoir des informations et des nouvelles d'une façon rapide
pour assurer le succès commercial, au fur et à mesure que les marchands
itinérants de l'époque précédente se transformaient en marchands sédentaires.[44]
Ceux-ci avaient plus besoin d'entretenir une correspondance avec les facteurs
ou partenaires commerciaux installés sur les marchés étrangers, tandis que les
marchands itinérants parcouraient plusieurs régions avec leurs marchandises. En
réalité, ce nouveau type de marchands envoyait deux ou trois lettres par
semaine à la fin du Moyen Age. Aux alentours de 1400, les marchands de la
compagnie Datini demeurant à Venise expédiaient diverses sortes de documents
commerciaux comme des lettres, des valute,
des factures d'envoi, des livres de comptes, à leurs collègues dispersés sur
divers marchés européens, en utilisant les réseaux maritimes.[45]
L'analyse de la correspondance marchande montre que
la circulation des informations et des nouvelles était très importante vers la
fin du Moyen Age. En général les marchands commencent leur lettre en indiquant
les nouvelles envoyées ou reçues récemment et le nom du navire qui les portent,
ou en disant que l'absence des nouvelles se prolonge. Le 21 août 1484, Antonio
Negro, marchand vénitien, a écrit une lettre à Marco Bembo installé sur le
marché de Damas en Syrie, en commençant par « Per le galie de' pelegrini, spettabile et gieneroxo miser, rezevei
vostra ».[46]
Une lettre du 10 décembre 1441 envoyée à Lorenzo Dolfin par Michele Morosini de
Londres montre que les marchands vénitiens communiquaient fréquemment. Selon le
début de cette lettre (Spetabele et
egregio honorado chugnado, die primo rezeveti una vostra facta die 4 novenbrio),
le premier décembre 1441, Michele Morosin a reçu une lettre du 4 novembre de
Lorenzo Dolfin à Venise.[47]
Une lettre envoyée par ce dernier à son commis installé sur le marché de Bruges
témoigne de l'importance d'une correspondance fréquente.[48]
« Cela nous paraît mille ans d'attendre chaque
heure de chaque jour de vos nouvelles de tout ce qui se passe là-bas...
Renseignez-nous sur les usages de chez vous et ceux des autres pays et ce que
valent les monnaies et l'orientation des affaires et ce dont vous avez
besoin.... ne manquez pas de nous répondre par la prochaine, par Dieu écrivez
plus souvent ! ».
La plupart du temps, marchandises et lettres étaient
portées ensemble. Les premières étaient toujours accompagnées de lettres.
Cependant lettres et biens étaient quelquefois envoyés de façon séparée. Il
existait les navires spécialisés dans le transport des nouvelles et des
informations. Venise organisait des cursores
Flandriae qui transmettaient les lettres entre Venise et l'Atlantique en
une quinzaine de jours, deux fois plus rapidement que les navires de commerce.
La scarsella était le navire de
poste.[49]
Lorenzo Dolfin, marchand vénitien, utilisait souvent la scarsella quand il envoyait une lettre à ses facteurs ou
partenaires commerciaux demeurant sur les marchés comme Londres et Bruges.[50]
Le fait que le rythme de la correspondance était plus
court et plus rapide que celui des convois officiels qui transportaient la plus
grande partie des marchandises, témoigne de l'importance croissante des
informations et des nouvelles.[51]
Quelle est la raison de ces rythmes différents ? Il est idéal de
transporter en masse des marchandises à bord des convois officiels qui pouvaient
garantir le transport en sécurité. Mais les marchands doivent à l'avance se
renseigner sur les situations locales et communiquer pour décider
définitivement la sorte de marchandises et son volume. Par exemple, Andrea
Barbarigo, marchand vénitien, a préalablement échangé plusieurs lettres avec
Alberto Dolceto, installé sur le marché syrien dans les années 1430, pour un
achat de coton, dont le transport final destiné à Venise a été fait par le
convoi officiel du coton.[52]
Les réseaux maritimes jouaient un rôle essentiel dans
l'administration des colonies de la Méditerranée orientale par l'Etat de
Venise. Les convois d'Etat de Venise et leurs capitaines et patrons avaient
plusieurs obligations exigées par le gouvernement : transport des
personnages officiels en mission, transport de matériels stratégiques,
réquisition des convois et des marins pour la guerre.[53]
Par conséquent, les flottes d'Etat représentaient un moyen de premier ordre de
domination coloniale pour Venise. De même, les réseaux maritimes servaient à
transmettre de façon rapide et en sécurité les informations et les nouvelles
fournies au gouvernement par les consuls en poste outre-mer et les
ambassadeurs. L'Etat de Venise devait recueillir des renseignements non
seulement sur ses colonies levantines, mais également sur ses ennemis ou
rivaux, surtout les Turcs et les Génois au XVe siècle. Les consuls, les bailes,
et les ambassadeurs avaient l'obligation d'entretenir une correspondance
régulière avec le gouvernement en envoyant rapports, dépêches (dispacci), lettres souvent secrètes,
etc. Les dépêches, surtout, contenaient des informations plus ponctuelles, plus
précises, plus détaillées, portant sur des sujets immédiats, plus directement
utiles au gouvernement vénitien.[54]
Grâce aux réseaux maritimes vénitiens vastement étendus qui permettaient aux agents d'informations, consuls et ambassadeurs, de fournir des renseignements divers, Venise pouvait devenir un centre d'information et de communication à la fin du Moyen Age. D'après P. Sardella, Venise constitue le centre d'information le plus important du début du XVIe siècle.
V. Conclusion
Jusqu'à présent, les historiens ont situé les réseaux maritimes de Venise
en grande partie dans un contexte économique, celui du transport et de
l'échange des marchandises. Mais notre étude a essayé de les replacer dans un
autre domaine : la circulation des nouvelles et des informations, soit la
communication.
L'analyse de la correspondance marchande montre que les marchands
communiquaient plus fréquemment que la navigation des convois officiels ayant
lieu une ou deux fois par an. En réalité, la communication marchande par
lettres entre Venise et d'autres grands marchés de l'époque comme Barcelone,
Londres, Bruges, et Acre était effectuée au moins une fois par mois. La transmission
des lettres était nécessairement chargée sur des navires libres et désarmés
pendant l'absence de la navigation des convois d'Etat. Il faut donc constater
que les navires privés sous gestion des particuliers jouaient un rôle non
négligeable dans la transmission des nouvelles et des informations, même si
leur importance dans le transport des marchandises était faible en comparaison
des convois d'Etat. Cette constatation nous permet cette fois de nuancer
l'opinion de F. Lane et d'E. Ashtor, à savoir que le rôle de la navigation
privée dans le transport de Venise était faible et a diminué au cours du XVe
siècle.
Une autre constatation à faire, c'est que les réseaux maritimes de Venise
étaient exceptionnellement rapides et étendus, en considération du fait que la
fréquence et l'intensité de la communication habituelle avec le monde extérieur
dans la société médiévale étaient basses et faibles. La lettre expédiée de
Venise pouvait gagner la ville de Bruges en une quinzaine de jours à bord du
service postal maritime rapide. Mais il faut aussi indiquer la lenteur des
transmissions des nouvelles et des informations. En effet beaucoup de régions
de l'Occident se trouvaient à l'écart de réseaux de communication aussi
développés que celui de Venise.
[1] ASV, Procuratori di San Marco,
Miscellanea Gregolin, Miscellanea di carte non appartenenti a nessun archivio.
[2]
[3]
L'histoire de la navigation commerciale vénitienne a déjà fait l'objet de
diverses études. F. C. Lane, Venetian
ships and shipbuilders of the Renaissance, Baltimore, 1934 ; Idem,
« Merchant galleys, 1300-34 : private and communal operation »,
dans Venice and history, pp.
194-226 ; Idem, « Fleets and fairs : function of the venetian
muda », dans Venice and history,
pp. 128-142 ; Idem, « Rhythm and rapidity of the turnover in venetian
trade of the fifteenth century », dans Venice
and history, pp. 109-127 ; J.-C. Hocquet, Le sel et la fortune de Venise, 2 vol., Lille, 1978-1979 ; D.
Stöckly, Le système de l'incanto des
galées du marché à Venise (fin XIIIe – milieu XVe siècle), Leiden-New
York-Cologne, 1995
[4] D. Stöckly, Le système de
l'incanto des galées du marché à Venise (fin XIIIe – milieu XVe siècle),
Leiden-New York-Cologne, 1995, pp. 58-62.
[5] Pour les convois de galées, nous
avons un ouvrage, récent et complet. D. Stöckly, Le système de l'incanto des
galées du marché à Venise (fin XIIIe – milieu XVe siècle), Leiden-New
York-Cologne, 1995, p. 2.
[6] La
coque qui a été introduite en Méditerranée à la fin du XIIIe siècle, représente
le navire rond utilisé le plus souvent pour le transport des marchandises comme
le coton, tandis que la galée, navire long, transportait les produits de luxe
comme les épices, la soie, etc, F. C. Lane, « Fleets and fairs», Venice and history. The collected
papers of Frederic C. Lane, Baltimore, 1966,
pp. 130-131 ; J. E. Dotson, « A problem of cotton and lead in medieval italian
shipping», Speculum 57 (1982), pp.
55-56.
[7] Le 24
juillet 1366, au Rialto, a été annoncée une déliberation stipulant que celui qui
voulait mettre un navire, une coque ou un autre bâtiment dans le voyage
de Chypre, de Syrie et d'Egypte pour charger du coton destiné à Venise, devait
faire se scribi ad curiam maiorem, c'est-à-dire déposer sa candidature
par écrit aux enchères, dans les trois jours à venir. ASV, Senato Misti, reg.
33, f. 71r.
[8] ASV,
Senato Misti, reg. 56, f. 17v.
[9] Ibid., f. 104r-105v. Le
titre du convoi de septembre 1430 porte ordo navium Sirie. ASV, Senato
Misti, reg. 57, f. 227r-229r. D. Stöckly a déjà signalé que le terme d'ordo
semble définir l'incanto et que le mot ordo est utilisé jusqu'au
XVe siècle pour les convois de galées. D. Stöckly, Le système de l'incanto,
op. cit., p. 50.
[10] E.
Ashtor, , Levant trade in the Later
Middle Ages, Princeton, 1983, pp. 188, 186, 255, 322 ; Idem, « The Venetian
cotton trade in Syria in the Later Middle Ages », Studi Medievali, XVII (1976), pp. 675-715.
[11] U. Tucci, « Il commercio del
vino nell'economia cretese », dans Venezia
e Creta, éd. G. Ortalli, Venise, 1998, p. 186.
[12] B.
Doumerc constate que les convois de galées furent moins réguliers. B. Doumerc,
«La crise structurelle de la marine vénitienne au XVe siècle : le problème
du retard des mude », Annales ESC,
40 :3 (1985), pp. 605-623.
[13] ASV,
Senato Misti, reg, 56, f. 17v, 104v-105r.
[14] F. C.
Lane, Venice : a maritime republic,
Baltimore and London, 1973, pp. 124-126 ; E. Ashtor, Levant trade in the Later Middle Ages, Princeton, 1983, pp. 115,
184-189, 254-262.
[15] D. Igual. Luis, « Las galeras
mercantiles venecianes y e puerto de Valencai (1391-1534) », Anuario de estudios medievales 24
(1994), p.183.
[16] En
dehors des grandes routes maritimes des convois officiels, il existait des
voyages de second ordre et plus souvent à courtes distances, effectués pour la
plupart par les navires de propriété et de gestion privées.
[17] ASV, Procuratori
di San Marco di Citra, busta 282.
[18] E. A. Congdon, « Private venetian ships and
shipping c. 1400 », Al-Masaq 10
(1998), pp. 57-71.
[19] F. Melis, « Note sur le
mouvement du port de Beyrouth d'après la documentation florentine aux environs
de 1400 », dans Société et
compagnies de commerce en Orient et dans l'Océean indien, Paris, 1970, pp.
371-373.
[20] Sur l'authenticité du discours
de Tommaso Mocenigo, voir G. Luzzatto, «Sull'attendibilità di alcune
statistiche economiche medievali », dans Studi di storia economica
veneziana, Padoue, 1954, p.271-284 ; A. M. Stahl, « The deathbed
oration of doge Mocenigo and the mint of Venice », dans Intercultural
contacts in the medieval Mediterranean, éd. B. Arbel, Londres, 1995,
pp.284-301.
[21] Biblioteca marciana di Venezia,
Chronique d'Antonio Morosini, c. 208 (vol. 2, p. 545).
[22]
[23] F. Melis, « Intensità e regolarità nella
diffusione dell'informazione economica generale en Mediterraneo e in Occidente
alla fine del Medioevo », dans I
trasporti e le comunicazioni nel Medioevo, Firenze, 1984, pp. 209-211 ; P.
Sardella, Nouvelles et spéculations à
Venise au début du XVIe siècle, Paris, 1948, pp. 56-57 ; F. C. Lane,
« Rhythm and rapidity of turnover in venetian trade of the Fifteenth
Century », dans Venice and history.
The collected papers of
[24] Plusieurs auteurs ont déjà
défini le terme de muda. D'après G.
Luzzatto, la muda désigne traditionnellement une flotte de navires
faisant voile ensemble pour leur protection mutuelle, accompagnée, si besoin
est, d'une escorte de navires de guerre. F. C. Lane a révélé que ce terme avait
une autre signification, à savoir la période autorisée pour le chargement de
telle marchandise dans telle région. Donc, la muda gothonorum de mars et
de septembre en Syrie désignait à la fois le convoi de coques et la période
pendant laquelle ce convoi de coques pouvait charger du coton en Syrie. Mais
même si la muda désigne en principe un convoi de navires, cette
définition traditionnelle ne peut être valable pour toutes les mude vénitiennes.
En effet les navires de la muda des cotons de Syrie ne naviguaient pas
de conserve, mais séparément en période de paix. Le voyage en commun n'était
assuré qu'en période périlleuse pour éviter tout sinistre. Ce trait est bien
expliqué par F. C. Lane dans l'article suivant, qui comprend une délibération
témoignant de ce fait : « et navigantibus navibus nostris divisis a
separatis prout tempore pacis facere solebat, de facili illis sequi possit
aliquod sinistrum et periculum ». F. C. Lane,
« Fleets and fairs », pp. 128-130 ; ASV, Senato Misti, reg. 57,
f. 139r, Senato Mar, reg. 1, f. 204v-205v, reg. 2, f. 17v, reg. 11, f. 40v-41r
; J.-C. Hocquet, Voiliers et commerce, op. cit., p. 175.
[25] Le départ du convoi de Syrie
était repoussé parfois jusqu'au mois d'août. La muda de septembre 1479
devait quitter Venise le 12 août pour la foire de Syrie. En 1493, le départ
d'une coque de Venise pour Alexandrie eut lieu le 7 août. Mais le calendrier
indiqué par D. Stöckly, selon lequel le départ de Venise avait lieu entre le 15
août et le 1er septembre, doit être considéré comme un cas très
exceptionnel. D. Stöckly, Le système de l'incanto,op. cit., p. 26 ;
ASV, Senato Mar, reg. 11, f. 40v-41r, reg. 14, f. 18r-v.
[26] ASV,
Senato Mar, reg. 10, f. 15v.
[27] F. C. Lane, « Rhythm and
rapidity of turnover in venetian trade of the fifteenth century », pp.
109-127 ; Idem, « Fleets and fairs », pp. 128-141.
[28] ASP, fonds de Datini ; ASV,
Procuratori di San Marco, Commissarie di Citra, busta 282, Commissaria Lorenzo
Dolfin ; F. Melis, Documenti per la
storia economica dei secoli XIII-XVI, Florence, 1972.
[29] ASP, fonds Datini, busta 927,
busta 928, busta 929.
[30] D. Stöckly, Le système de
l'incanto des galées du marché à Venise (fin XIIIe – milieu XVe siècle),
Leiden-New York-Cologne, 1995, pp. 58-62.
[31] F. Melis, Documenti per la storia economica dei secoli XIII-XVI, Firenze,
1972, p. 188.
[32] ASV, Procuratori di San Marco,
Commissarie di Citra, busta 282.
[33] Ces
données ne sont pas complètes. En effet, nous avons fait un dépouillement
partiel des documents de Lorenzo Dolfin.
[34] ASV,
Procuratori di San Marco di Citra, busta 282.
[35]
[36] B. Doumerc, « Par Dieu
écrivez plus souvent ! La lettre d'affaires à Venise à la fin du Moyen
Age », dans La circulation des
nouvelles au Moyen Age, Paris, 1994, pp. 102-103.
[37] B.
Arbel, « Venetian trade in the fifteenth century
[38] Le
livre de comptes de la Fraterna Soranzo
nous permet de connaître les patrons des navires utilisés par elle. Ils
faisaient constamment partie du convoi du coton en Syrie. Les documents
juridiques vénitiens attestent également que les marchands utilisaient
essentiellement le convoi de coques pour le transport du coton. ASV, Miscellanea Gregolin, busta 14, Libro Nuovo Real,
passim ; ASV, Giudici di Petizion, Sentenze a giustizia, reg. 106, f.
66v-69r, reg. 111, f. 7v-10r, reg. 176, f. 94v-96r.
[39] En général, la
lettre composée aux mois de janvier et de juillet à destination de la Syrie
était transportée par les convois de coques ou de galées. Mais la lettre écrite
par exemple au mois de mars ou d'avril devait être nécessairement transportée
par les navires privés qui passaient en Syrie en dehors de la muda.
[40] E.
Ashtor, « The venetian supremacy in levantine trade : monopoly or
pre-colonialism», Journal of European
Economic History III (1974), pp. 5-53.
[41] B. Doumerc, « Les flottes
d'Etat, moyen de domination coloniale pour Venise(XVe sièle) », dans Coloniser au Moyen Age, éd. M. Balard et
A. Ducellier, Paris, 1995, pp. 115-126.
[42] E.
Vallet, Marchands vénitiens en Syrie à la
fin du XVe siècle, Paris, 1999, pp. 40-47.
[43] ASV, Senato Mar, reg. 10, f.15v.
[44] J. Le Goff, Marchands et banquiers du Moyen Age, Paris, 1980, p. 18 ; P.
Spufford, Power and profit. The merchant
in medieval Europe, New York, pp. 19-25.
[45] ASP, fonds Datini, busta 927-930
(correspondance de Venise à Barcelone), busta 1082 (correspondance de Venise à
Majorque).
[46] F. Melis, Documenti per la storia economica dei secoli XIII-XVI, Firenze,
1972, p. 186.
[47] Ibid., p.188.
[48] B. Doumerc,
« Par Dieu écrivez plus souvent! La lettre d'affaires à Venise à la fin du
Moyen Age », dans La circulation des
nouvelles au Moyen Age, Paris, 1994, pp. 99.
[49] B. Doumerc,
« Par Dieu écrivez plus souvent! La lettre d'affaires à Venise à la fin du
Moyen Age », dans La circulation des
nouvelles au Moyen Age, Paris, 1994, pp. 104-105.
[50] ASV,
Procuratori di San Marco di Citra, busta 282.
[51]
L'investissement commercial et le cycle du profit étaient en générale au rythme
de six mois ou un an, parce que les convois officiels ayant le charge de la
pluspart du transport marchandises se fonctionnaient chaque six mois ou chaque année.
Par exemple, les marchands pouvaient réaliser leur profit en un an pour le
commerce des épices ou en six mois pour celui du coton. En effet, ils
utilisaient presque toujours les convois de galées qui passsaient une fois par
an en Orient pour les épices et ceux de coques qui visitaient la Syrie et
l'Egypte deux fois annuellement pour le coton.
[52] F. C. Lane, Andrea Barbarigo : merchant of Venice,
1418-1449, Baltimore, 1944 ; S. Sassi, Lettere di commercio di Andrea Barbarigo, mercante veneziano del 400,
Napoli, 1951.
[53] B. Doumerc, « Les flottes
d'Etat, moyen de domination coloniale pour Venise(XVe sièle) », dans Coloniser au Moyen Age, éd. M. Balard et
A. Ducellier, Paris, 1995, pp. 115-126.
[54] R. Mantran, « Venise,
centre d'information sur les Turcs », p.114.