Culte de saint Denis et formation du

sentiment national français au XIVe siècle

 

Yong-Jin HONG (Korea Univ.)

 

 

Introduction

 

La tradition du culte de saint Denis et son histoire hagiographique sont assez anciennes.[1] La première mention sur la vie de saint Denis, évêque de Pairs, est apparue dans la Vita Genovefae(520) rédigée après la mort de sainte Geneviève.[2] Ensuite elle a encore été mentionnée dans l’Historia Francorum de Grégoire de Tours. Mais la véritable naissance de la légende hagiographique de saint Denis commença par la Vita rédigée par Hilduin(770-855), abbé de Saint-Denis, qui l’a identifié avec Denis l’Aréopagite, évêque d’Athènes, ensuite considéré comme même personnage de Pseudo-Denis, théologien.[3] À partir de la première moitié du VIIe siècle, sous Dagobert Ier, saint Denis et l’abbaye de Saint-Denis a établi une étroite relation avec la royauté. Il a soutenu l’élargissement de l’abbaye et de la basilique et y construit la royale nécropole. Il est le premier roi qui a tenté de donner une autorité religieuse à la royauté par une connexion avec saint Denis, saint patron de Paris. Cela a été développé par la Gesta Dagoberti regis Francorum de Hincmar(806-882) qui parle de miracles du saint sous Dagobert Ier et par là explique l’attachement du roi au culte de saint Denis.[4]

Mais le culte de saint Denis sous Mérovingiens ou Carolingiens n’a eu aucune particularité par rapport à autres cultes de saints et son histoire suit aussi la structure stéréotypée d’autres hagiographies. Il est le saint patron d’une maison royale et de la ville de Paris, plus tôt que patron du royaume, tout comme d’autres saints patronnant d’autres nobles maisons et villes.

Cela est naturel dans la situation où le royaume de France manque l’unité politique et le mémoire commun. Cependant, à partir du début du XIIIe siècle, au temps de l’établissement de l’autorité royale couvrant le royaume, la royauté a tenté d’imposer une identité politique au royaume avec saint Denis. En même temps, la relation entre la royauté et l’abbaye de Saint-Denis n’a plus été symbolique mais plutôt pratique et politique.

Dans cette perspective, il est nécessaire d’examiner la relation de la royauté et le culte de saint Denis, surtout en focalisant la stratégie politique de la royauté du début du XIVe siècle qui a regardé le développement du système de l’État sous le règne de Philippe IV(1275-1314). En particulier, la Vie et martyre de saint Denis et ses compagnons commandé par Philippe IV et achevé sous le règne de Philippe V(1316-1322) montre bien non seulement une union entre l’histoire royale et la vie de saint Denis mais aussi une systématisation de la continuité dynastique des Mérovingiens aux Capétiens. Et cette œuvre idéologique écrite à la fois en latin et en français est infiltrée dans plusieurs poèmes épiques apparus à la seconde moitié du XIVe siècle. Ils présentent la diffusion et la transformation de l’idéologie royale au milieu de la société politique à l’apogée de la guerre contre les Anglais.

 

 

II. L’abbaye de Saint-Denis : lieu de mémoire dynastique

 

Au XIIIe siècle, la capitalisation culturelle de saint Denis par la royauté a été couplée avec consolidation de profits social et économique de l’abbaye de Saint-Denis. Cela dit que l’union de l’histoire de saint Denis et de la dynastie royale n’a pas été unilatéralement exécuté par la royauté mais aussi une stratégie abbatiale de survivance. Les moines dyonisiens insistent leur privilège dans le royaume, en particulier par la construction du mémoire dynastique en deux manières: en premier lieu la rédaction d’histoires unifiées de l’hagiographie de saint et de la chronologie dynastique et en deuxième, le stockage des mémoires dynastique dans la nécropole abbatiale.

En ce qui concerne la rédaction historique, la première œuvre est la Vita et actus beati Dionysii (1223) écrit par un moine anonyme, qui synthétise les œuvres de Hilduin et de Hincmar en insérant l’histoire du saint en celle de France et en traitant la royauté sous la protection du saint depuis le règne de Dagobert Ier jusqu’au règne de Philippe II. Elle est traduite en français en 1250 sous le règne de Louis IX, probablement pour des laïcs voulant lire ou écouter la vie du saint. Cette traduction intitulée Vie de saint Denis prouve alors l’intérêt croissant sur l’histoire du saint patron de la royauté parmi les laïcs à partir du milieu du XIIIe siècle.[5]

C’est ainsi que l’abbaye de Saint-Denis est devenu le centre historiographique de la dynastie royale à partir du début du XIIIe siècle. Comme nécropole royale, l’abbaye a été chargé de conserver les mémoires et les passés soit visibles soit invisibles. Bien que les moines historiens n’obtiennent pas encore le titre historien royal, mais ils ont fonctionné comme tels.[6] Par exemple, Rigord, auteur de la Gesta Philippi Augusti s’est nommé comme regis Francorum cronographus et Primat a rédigé le Roman des rois qui a fondé les Grandes Chroniques de France du XIVe siècle. Guillaume de Nangis et ses continuateurs ont rédigé le Chronocon depuis la Création jusqu’au règne de Philippe IV. Sous le règne de Philippe V, un moine appelé Yves a rédigé la Vie et martyre de saint Denis et ses compagnons vers 1316 et Guillaume Scot, le Chronicon en 1317. Sous Philippe VI, un moine anonyme a produit une œuvre historique nommé « Manuel historique de Philippe VI», compilation des œuvres de Guillaume de Nangis et d’autres dyonisiens. Sous Jean II, Richard Lescot a rédigé une chronique latine, aujourd’hui disparue, et sous Charles VI, Michel Pintoin, Chronicorum Karoli sexti, montrant la guerre civile de manière très vive.

La conservation du mémoire royal ne s’est pas limitée à la rédaction historique. L’abbaye de Saint-Denis a été aussi la nécropole royale conservant les restes royaux des  mérovingiens, carolingiens et capétiens. En 1306, Philippe IV a remanié des tombeaux de la nécropole pour montrer la continuation dynastique entre les Carolingiens et les Capétiens et pour renforcer sa position comme héritier de Louis IX [7][Figure 1]. À travers le remaniement des tombeaux, Philippe IV estompe la distinction entre les Carolingiens et les Capétiens. Le plan de la sépulture en 1270 montre visiblement cette distinction : les tombeaux mérovingiens et carolingiens se situent côté Sud (à gauche dans la figure) entre celui de Charles le Chauve au centre-ouest et celui de Dagobert au sud-est ; les tombeaux capétiens se situent côté Nord (à droite). Ensuite, les deux tombeaux de Philippe II et Louis VIII situés au centre ou à la frontière entre les deux côtés reflètent la préoccupation des Capétiens pour le Reditus Regni ad Stirpem Caroli Magni , démontré par le mariage entre Philippe II et Isabelle de Hainaut, descendante des Carolingiens[8].

L’arrangement de Philippe IV en 1306 va plus loin : il efface la frontière implicite entre les deux dynasties. À côté du tombeau de Louis VIII, est installé celui de Louis IX, du côté de ceux des Carolingiens. Mais le plus frappant est la nouvelle installation du tombeau de Philippe III et d’Isabelle d’Aragon et le mouvement des deux tombeaux carolingiens. Philippe IV a réservé son tombeau à côté de son père, à l’endroit du tombeau de Carloman[9]. De cet arrangement, les tombeaux de Philippe III et de Philippe IV prennent place parmi les Carolingiens et celui de Carloman, parmi les Capétiens. C’est incontestablement une stratégie visuelle visant à souligner une continuation dynastique sans articulation. L’espace de la sépulture divisée en deux dynasties s’unifie alors en une dynastie intégrale autour des trois rois capétiens, Philippe II, Louis VIII et Louis IX.

La royauté française des XIIIe et XIVe siècles veut conserver le mémoire dynastique dans l’abbaye de Saint-Denis, au niveau matérielle, à la nécropole et au niveau idéale, aux diverses chroniques. Il ne s’agit plus le patronage du roi en personne par le saint, mais celui de la royauté, de la perpétuité et de la continuation dynastique. Ensuite il est aussi important de focaliser le rôle du saint : il n’est qu’un protecteur de la dynastie. La continuation dynastique se fonde sur le lignage ‘naturel’ et par le sang et le saint achève sa nature par la ‘grâce’ surnaturelle.[10]

 

 

III. La Vie et martyre de saint Denis et ses compagnons

(BNF, fr. 2090-2092, lat.13836)

 

Parmi les hagiographies liées aux histoires dynastiques, la plus importante est la Vie et martyre de saint Denis et ses compagnons. Cette œuvre dont le titre original latin est la Vita et passio sancti Dyonisii[11], est d’abord rédigée à la demande de Philippe IV vers 1313 ou 1314, mais en raison de sa publication retardée et des morts subites de Philippe IV et de Louis X, elle est ensuite dédiée à Philippe V[12], par l’abbé de Saint-Denis, Gilles de Pontoise. C’est cependant un moine, Yves, qui la rédige ou la compile, et qui se présente à côté de Gilles de Pontoise dans la miniature du folio 4v du manuscrit 2090[figure 2].

L’œuvre se divise en trois parties : la première porte sur le prologue de la vie de saint Denis, de sa naissance au temps de la prédication de saint Paul à Athènes (fr. 2090, fol. 9r-55v) ; la deuxième, la plus longue, rapporte la vie et les actes de saint Denis et de ses amis, à partir de leur conversion au christianisme jusqu’à leur martyre (fr. 2090, fol. 55v-178v, fr. 2091, fol. 1r-133v, fr. 2092, fol. 1r-111v) ; la troisième, enfin, intitulée Gesta regum Francorum, résume l’histoire de la France en liaison avec le culte de saint Denis depuis l’origine troyenne[13] jusqu’au règne de Philippe IV avec l’expectative optimiste sur l’avènement de Philippe V (lat. 13836, 1r-135v). En fait, cette histoire moitié hagiographique et moitié royale n’est pas une création d’Yves de Saint-Denis, mais la compilation bien organisée de plusieurs hagiographies et des histoires royales qui étaient conservées dans l’abbaye[14].

Cette composition de l’hagiographie de saint Denis et de l’histoire de la royauté française est le caractère majeur de cette œuvre, qui consolide la relation entre l’abbaye de Saint-Denis, l’auteur, et la royauté française, le lecteur, alors que la royauté de Philippe IV nécessite un encadrement national pour légitimer le système d’État. Comme cela est bien connu, face au différend avec Boniface VIII, à la guerre contre les Flamands et à la résistance des nobles provinciaux, Philippe IV tente sans cesse de manifester la propagande politique adossée à la religiosité spéciale de la France, en sanctifiant toute la France, c’est-à-dire à la fois le territoire de France comme le paradis terrestre, le peuple de France comme les élus, et le roi de France comme le roi plus chrétien[15].

C’est dans cette atmosphère lourde et critique qu’Yves rédige son œuvre afin de persuader les membres de la société politique, en glorifiant ces derniers aussi qu’une France idéalement unifiée. La France sera toujours assurée par la protection de saint Denis, et l’insigne de cette assurance est l’oriflamme, qui passe pour avoir été déposée par Charlemagne à l’abbaye de Saint-Denis. Outre la défense du royaume, l’oriflamme signifie alors à la fois la continuité dynastique entre les Carolingiens et les Capétiens et l’unification des Français au centre de la royauté française[16]. C’est la transformation de saint Denis de saint des rois français en saint national de la couronne de France. Et l’invocation du saint national est en fait un phénomène qui apparaît fréquemment lors de la genèse de l’État dans l’Occident chrétien[17].

Dans la mesure où l’histoire de France est rédigée en relation étroite avec l’hagiographie, cette œuvre souligne l’histoire de la royauté et de la France sous la protection de saint Denis, en tant que non seulement protecteur de la royauté mais aussi celui des regnum et populi Franciae[18]. La relation entre la France et saint Denis ne peut se réduire à une simple relation entre la personne d’un roi et le saint. Au contraire, cette relation se perpétue et se perpétuera tout au long de l’histoire de la France, non seulement de la royauté mais aussi du peuple français, s’il est fidèle à cette royauté. L’histoire de France, protégée par le saint, est donc située dans l’histoire presque sainte et dans le temps perpétuel, en promettant la continuité dynastique à Philippe V[19]. L’originalité de cette œuvre consiste donc en cette compilation systématique et historique, bien qu’elle ne soit qu’un recueil des textes précédents.

La transformation du message idéologique est aussi représenté dans l’œuvre d’Yves par deux caractères formels spécifiques visant à efficacité de la transmission du contenu : le bilinguisme et la mise en forme à la fois textuelle et iconographique.

En premier lieu, observons le bilinguisme. Les manuscrits sur la vie de saint Denis(BNF fr. 2090-2092) sont d’abord rédigées en latin et en un volume pour Philippe IV qui savait bien lire le latin ; mais après sa mort, en 1317, la traduction française est peut-être intercalée dans l’original latin sous le règne de Philippe V par un certain Boitbien[20]. Ces manuscrits se caractérisent par leur bilinguisme d’alternance : les folios de la traduction française suivent et répètent ceux du texte latin par les unités de récit composés en certains chapitres[21][Figures 4 et 5]. La troisième partie (BNF, lat. 13836) montre également le bilinguisme, mais de manière différente[Figures 6 et 7]. Alors que les deux premières parties sur saint Denis sont la combinaison des deux rédactions indépendantes du latin et du français présentées en alternance, la troisième, qui concerne l’histoire de France, est rédigée simultanément en deux langues dès le début de la rédaction, à la demande de Philippe IV. Certes, le latin conserve sa supériorité hiérarchique. Le texte latin se trouve au centre avec des lettres de taille moyenne facilement lisible, au contraire du français qui embrasse et encadre le texte latin avec les lettres extrêmement fines. Les textes français sont une traduction des textes latins ou des gloses. Ici, il me semble que le statut secondaire du français est très évident, mais dans une autre perspective, cette mise en forme du bilinguisme montre le développement du français et la croissance du nombre des lecteurs des textes en français[22]. Le texte latin n’est plus là pour être simplement vu comme symbole royal sacré, mais il vise la lecture réelle et la compréhension immédiate par les lecteurs publics grâce à la langue vernaculaire.

Ces deux sortes de mise en forme bilingue nous permettent d’émettre quelques conjectures sur la situation de la production française ou les motivations de la traduction. Au début, Philippe IV commande le texte latin sur la vie de saint Denis et le texte bilingue sur l’histoire de France. Les première et deuxième parties hagiographiques sont écrites en latin, langue d’autorité et de religion, et la troisième partie sur l’histoire laïque mais sanctifiée sous la protection du saint, à la fois en latin et en français. Pour Philippe IV, le texte latin suffirait à nourrir sa propagande sur saint Denis et la royauté. L’autorité religieuse de saint Denis reste laisser intouchable : au contraire, l’histoire de France se développe sous son autorité en s’adressant en langue vernaculaire aux membres de la société.

Ce sont Louis X ou Philippe V qui ont commandé la traduction française. Pourquoi ont-ils commandé la traduction française des deux premières parties sur la vie de saint Denis ? Parce qu’il était moins lettré que son père au niveau du latin et alors plus familier au français ? Peut-être. Mais s’il n’était pas moins lettré que son père, nous devons évoquer les circonstances politiques des années 1315 et 1316, après la mort de Philippe IV : la chute de l’autorité royale et le mouvement des ligues nobiliaires. Dans cette situation, en invoquant saint Denis, protecteur de la royauté, peut-être espéraient- ils un redressement de la royauté et, surtout une meilleure acceptation par les membres de la société, facilitée par l’emploi du français.

Pour Philippe V, dédicataire définitif, l’œuvre d’Yves consolide en particulier sa position de candidat au trône après la mort de son frère aîné, Louis X, et au moment critique autour de la succession du trône qui entraîne le conflit avec la faction de Jeanne, fille de Louis X et du parti bourguignon. Dans l’histoire de France développée sous l’autorité de saint Denis, maintenant éclairée par le français, la continuité de la royauté est gardée par les successeurs toujours des hommes. C’est ainsi que l’histoire miraculeuse de saint Denis et l’histoire humaine entrent ensemble dans une lisibilité, où le surnaturel et le naturel sont simultanément expliqués en français, tout en conservant l’autorité du latin.

Le deuxième caractère est le rôle important de l’enluminure pour la lecture. Au début de chaque chapitre, une grande enluminure en présente le récit essentiel. Les enluminures, de grande taille et abondantes — 18 dans le fr. 2090, 24 dans le fr. 2091 et 36 dans le fr. 2092 — facilitent la réception des messages avec la traduction en français, et surtout renforcent par l’image la présence de saint Denis. Si la traduction assure la lisibilité de sa légende, les images de saint Denis superposées sur le fond de la vie quotidienne parisienne contemporaine veulent représenter son ancrage dans le réel[Figures 8 et 9]. Ces images suggèrent que saint Denis n’appartient pas seulement au passé, mais qu’il est toujours présent pour les Français[23].

En outre dans la troisième partie, se trouvent deux enluminures remarquables au fol. 12r et au fol. 78r[Figures 10 et 11]. En déroulant chronologiquement les trois dynasties de France — les Mérovingiens (fol. 1r-11r), les Carolingiens (fol. 11v-74v), et les Capétiens (fol. 75r-131v), l’auteur représente les changements de dynastie de manière schématique, en soulignant leur continuation et l’unité dynastique. La première enluminure (f. 12r) justifie très nettement la continuité dynastique entre les Mérovingiens et les Carolingiens, et la deuxième montre de manière complexe mais systématique la transition des Carolingiens aux Capétiens (f. 78r). Le souci de l’auteur et du commanditaire pour la légitimité dynastique est très évidemment exposé, comme par désir de mettre un terme à toutes les discussions des opposants non seulement sur la succession légitime des Capétiens, mais aussi sur celle de Philippe V[24].

Cette œuvre religieuse fonctionne comme un texte à la fois politique et historique dans l’espace laïc et politique. De plus, elle s’adresse aux membres de la société politique selon une stratégie langagière, pour les persuader de l’autorité de la royauté adossée à la sainteté ; ainsi le français, placé aux côtés du latin, commence-t-il à exprimer à la fois la légende sainte et l’histoire de France au public laïc, de plus en plus intéressé, d’une part à la participation à la vie religieuse et de l’autre aux affaires politiques. Donc, bien que cette œuvre soit conservée dans la libraire du Louvre en tant qu’emblème de la continuité dynastique et de la perpétuité de la royauté française[25], elle est plus largement diffusée, comme nous le montrent les manuscrits qui subsistent aujourd’hui.[26]

 

 

 

IV. Diffusion de l’idéologie royale et formation d’une identité ‘national’

 

Pour la part de la France, le mi-XIVe siècle a vu les crises politiques très sévères comme la défaite continue contre les Anglais, la Peste, la guerre civile contre les Navarrais, la capture du roi Jean en 1356 après la défaite de Poitiers, la ‘révolution’ de Paris menée par Etienne Marcel et la Jacquerie en 1358. Mais avec le retour du roi Jean en 1360, les batailles en suspens, la restauration de la royauté et de l’ordre social se dirige vers la tendance conservatrice autour de la royauté. Le règne de Charles V se marque par la récupération du territoire, le rétablissement du système étatique contrôlé par la royatué et la systématisation de l’idéologie royale et étatique. Dans cette période en France, commence à se former une sorte d’identité politique ou un sentiment national contre les Anglais. L’expérience de guerre cruelle sans précédent permet aux membres de la société politique de recevoir la propagande de la royauté sans grande difficulté.

Dans cette situation, à la seconde moitié du XIVe siècle, l’association entre saint Denis et la royauté française, représentée par Dagobert Ier, connait une diffusion publique et populaire, lors de la compilation systématique des Grandes Chroniques de France sous Charles V, fondée sur les œuvres historiques produites à l’abbaye de Saint-Denis. Cette diffusion est assurée par plusieurs poèmes épiques, nés dans un monde bourgeois ou courtisans soit clercs soit laïcs fidèles à la royauté, et récités par les jongleurs dans les espaces publics, surtout à Paris.[27] C’est une nouvelle culture hors de la dichotomie entre le clerc et le laïc. Parmi plusieurs, cinq poèmes épiques attrapent nos yeux: le Florent et Octavient (1356)[28], le Hugues Capet (entre 1356-58)[29], le Dieudonné de Hongrie, dit Charles le Chauve (la seconde moitié du XIVe siècle)[30], le Théseus de Cologne (1375)[31], et le Cipéris de Vignevaux (vers 1400)[32]. Ces poèmes épiques, dont les héros sont en relation avec le roi Dagobert Ier, rappellent toujours le culte de saint Denis, de plus en plus nationalisé et inséparable de la royauté française, et ils vulgarisent cette propagande royale sous les règnes de Jean II, de Charles V, et de Charles VI, en s’adressant aux auditeurs vernaculaires au sein de l’espace public.

Certes, les protagonistes, les intrigues et les dispositions sociales représentées de ces cinq œuvres sont différents, mais ils présentent communément Dagobert Ier, mythifié, et saint Denis comme principaux personnages par rapport aux protagonistes. Les histoires sur eux commencent à déborder la limite de cour et à se diffuser à la société politique avec la formation d’un sentiment national et d’une identité politique. Ce processus est aussi marqué par la double mixité de la vie langagière médiévale: celle entre les langues latine et vernaculaire et celle entre les cultures orale et écrite. Ils ont d’abord été circulés avec l’oralité et accueilli avec une grande popularité au point que tous ont été imprimés à la fin du Moyen Âge.

  Il est aussi intéressant de voir le changement de l’importance du saint Denis au roi Dagobert Ier tout au long du XIVe siècle : la royauté qui a construit la basilique est beaucoup plus souligné et focalisé que le saint patron.[33] La sainteté de la royauté française se fonde sur le sang et la dynastie continuée depuis les Mérovingiens, plutôt que l’élément religieux. La date de l’avènement du roi n’est plus décidé par le sacre donnant au roi la puissance miraculeuse et surnaturelle(condition suffisante), mais par les funérailles soulignant la continuation naturelle du lignage masculin(condition nécessaire).[34]

 

 

V. Conclusion

 

Tout au long du Moyen Âge en France, le statut de saint Denis a évolué du saint patron du roi au celui de la dynastie royale, ensuite au celui du royaume. Cette évolution est exécutée avec le croissance du pouvoir capétien depuis le début du XIIIe siècle et elle a été plus largement accepté au peuple français avec l’éclatement de la guerre de Cent Ans. Ce nouveau public n’a pas seulement reçu cette idéologie mais créé de nouveaux poèmes épiques caractérisés par un sentiment national ou une identité politique. Probablement ce phénomène a contribué à l’intégration du royaume autour de la royauté avec la conscience du peuple élu, insistée par Philippe IV. Et la clameur militaire « Montjoie saint Denis ! » retentie à champs de bataille a aussi habituellement pu justifier la relation entre la royauté et le saint patron pour l’ignorant de l’histoire du saint.

Néanmoins il faut indiquer que ce culte étatique de saint Denis n’a été qu’un résultat de la situation politique. Au début du XVe siècle, le culte de saint Denis a été affaibli, parce que Paris a été conquis par les Anglais en 1419 malgré son patron. La méfiance contre ce saint patron a été grandie et l’intérêt  popuaire a été concentré à un nouveau patron national, qui est saint Michel représenté par l’abbaye de Mont Saint-Michel, jamais conquis par les Anglais. Alors saint Denis a commencé à céder la place du patron national à saint Michel. Vraiment, c’est saint Michel qui a été révélé aux yeux de Jeanne d’Arc en 1428 et dont le nom est devenu le titre de l’ordre chevalier créé par Louis XI en 1469 et siégé au Mont Saint-Michel.[35]

Au XVe siècle, le culte de saint Denis a été affaibli et autre saint patron a été cherché avec la croissance du sentiment national et de l’identité national. D’autre part, la basilique de Saint-Denis a continué à jouer le rôle de la nécropole royale. Cependant, lors de la profanation décidée et exécutée par la Convention nationale en 1792, il devient manifeste que saint Denis et la royauté ne peuvent plus être compatible avec la nouvelle nation révolutionnaire.[36]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 1 : Tombeaux dans la croisée du transept à Saint-Denis en 1270 et 1306

Tombeaux mérovingiens et Carolingiens

Tombeaux capétiens

Flèche : mouvement des tombeaux carolingiens en 1306

Tombeaux colorés : tombeaux installés après 1270

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Charles II le Chauve

 

 

 

 

 

Clovis II et

Charles Martel

 

 

 

 

 

Hugues

le Grand

 

Eudes et

Hugues Capet

 

Berthe et

Pépin

 

 

 

 

 

 

 

Robert le Pieux

et Constance d’Arles

 

Louis

VIII

Philippe

II

Carloman et

Ermentrude

 

 

 

 

Louis VI et

Henri Ier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis et

Carloman

 

 

 

 

 

 

 

Philippe, fils de Louis VI et

Constance de Castille

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dagobert et

Nanthilde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint-Denis 1270

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Charles II le Chauve

 

 

 

 

 

Clovis II et

Charles Martel

 

 

 

 

 

Hugues

le Grand

 

Eudes et

Hugues Capet

 

Isabelle d’Aragon et Philippe III

Place pour Philippe IV

 

 

 

 

 

 

 

Robert le Pieux

et Constance d’Arles

Louis

IX

Louis

VIII

Philippe

II

 

 

 

 

 

Louis VI et

Henri Ier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis et

Carloman

 

 

Marguerite

de Provence

 

 

 

 

Philippe, fils de Louis VI et

Constance de Castille

 

Berthe et

Pépin

 

 

 

 

 

 

 

Carloman et

Ermentrude

Dagobert et

Nanthilde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint-Denis 1306

 

 

 

 

Reconstruit d’après M. Félibien, Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denis, Paris, 1706, p. 550 ; A. W Lewis, Le Sang royal. La famille capétienne et l’État, France, Xe-XIVe siècle, trad. par J. Carlier, Paris, 1986, p. 280-281 ; E. A. R. Brown, « Burying and Unburying the King of France », dans R. C. Trexler (éd.), Persons in Groups : Social Behavior As Identity Formation in Medieval and Renaissance Europe, Binghamton, 1985, p. 248-249.

 

 

 

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Fig. 2. BNF fr. 2040, f.4v

Dédication du livre au Philippe V

par Gilles de Pontoise et Yves

Fig. 3. BNF fr. 2042, f.48v

Martyre de saint Denis et ses compagnons

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Fig. 4. BNF fr.2090, f.9r

: Préface latine

Fig. 5. BNF fr.2090, f.13r

: Préface française

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Fig. 6. BNF lat.13836, f.11v

Pépin le Simple

Fig 7. BNF lat.13836, f.131r

Louis X le Hutin

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Fig. 8. BNF, fr.2091, f.97r

Fig. 9. BNF, fr.2091, f.99r

 

 

 

 

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Fig. 10. BNF, lat.13836, f.12r

Continuité entre les Mérovingiens

et les Carolingiens

Fig. 11. BNF, lat.13836, f.78r

Continuité entre les Carolingiens

et les Capétiens

 

 

 

Structure de la figure 11

 

 

Francie Oc.

 

 

 

 

Karolus magnus

 

Francie Or.

 

 

Ludovicus pius

 

Ludovicus rex Germanie

 

 

父子

Karolus II calvus

 

Karlomannus

 

 

Ludovicus II balbus

 

Arnulphus imperator

 

 

Karolus III simplex

 

Ludovicus IV imperator

?

 

 

Mathildis (dua filia)

Robertiens

Ludovicus IV

 

Gerberga

Hauidis

(Hadwig)

 

Hugo magnus

結婚

結婚

Lotharius

 

 

 

 

 

 

Ludovicus V

 

 

 

 

 

 

Hugues Capet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] L. Levillain, « Études sur l’abbaye de Saint-Denis à l’époque Mérovingienne », Bibliothèque de l’Ecole des chartes, t. 82, 1921, p. 5-116 ; G. Spiegel, « The Cult of Saint Denis and Capetian Kingship », Journal of Medieval History, vol. 1, n. 1, 1975, p. 48-53.

[2] R. P. Pierre Lallemant(ed. & tra.), La vie de sainte Geneviève. Patronne de Paris et de la France, écrite en latin dix-huit ans après sa mort(Paris, 1859), pp. 15-16(ch.XIII).

[3] R. J. Loenertz, O.P., “La légende parisienne de S. Denys l'Aréopagite. Sa genèse et son premier témoin”, Annalecta Bollandiana, t.69(1951), pp. 228-231.

[4] L. Theis, « Dagobert, Saint-Denis et la royauté française au Moyen Âge », dans B. Guenée (dir.), Le métier d’historien au Moyen Âge. Étude sur l’historiographie médiévale, Paris, 1977, p. 19-30.

[5] BNF, n.a.f. 1098 ; L. Delisle, « Notice sur un livre de peinture exécuté en 1250 dans l’Abbaye de Saint-Denis », Bibliothèque de l’Ecole des chartes, t. 38, 1877, p. 444-476 ; C. J. Liebman, Etude Sur La Vie En Prose de Saint Denis, Geneva & New York, Humphrey Press Inc., 1942.

[6] B. Guenée, Histoire et culture historique dans l'Occident médiéval, Paris, Aubier Montaigne, 1980, pp. 340-347.

[7] A. W Lewis, Le sang royal. La famille capétienne et l’État, France, Xe-XIVe siècle, trad. par J.Carlier, Paris, 1986, p. 188-190 et 280-281 (Appendice II) ; E. A. R. Brown, « Burying and Unburying the Kings of France », dans R. C. Trexler (éd.), Persons in Groups : Social Behavior As Identity Formation in Medieval and Renaissance Europe, Binghamton, 1985, p. 246-249.

[8] E. A. R. Brown, « Vincent de Beauvais and the reditus regni francorum ad stirpem Caroli imperatoris », dans M. Paulmier-Foucart, S. Lusignan et A. Nadeau (dir.), Vincent de Beauvais : intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen Âge (Actes du XIVe Colloque de l’Institut d’études médiévales, organisé conjointement par l’Atelier Vincent de Beauvais (A.R.Te.M., Université de Nancy II) et Institut d’études médiévales (Université de Montréal),  27-30 avril 1988), Montréal et Paris, 1990, p. 167-196 ; G. Spiegel, « The Reditus Regni ad Stirpem Karoli Magni: New Look », French Historical Studies, vol. 7, n. 2, 1971, p. 145-174.

[9] A. Erlande-Brandenburg, Le roi est mort : étude sur les funérailles, les sépultures et les tombeaux des rois de France jusqu'à la fin du XIII siècle, Paris, 1975, p. 83. Voir Chronographia regum francorum, éd. par H. Moranvillé, t. 1, Paris, 1891, p. 219 : « Die vero crastina, processionibus previis, ductus est ad ecclesiam monasterii Sancti Dionisii, concomitantibus eum quadringentis burgensibus tedas ferentibus, ubi honorifice et regaliter juxta patrem suum fuit intumulatus ». Sur la mort et les funérailles de Philippe IV, voir Ch. Baudon de Mony, « La mort et les funérailles de Philippe le Bel d’après un compte rendu à la cour de Majorque », Bibliothèque de l’Ecole des chartes, t. 58, 1897, p. 5-14.

[10] Cf . Thomas Aquinas, Summa Theologia (Iª q.1 a.8 ad 2): “Cum enim gratia non tollat naturam, sed perficiat, oportet quod naturalis ratio subserviat fidei; sicut et naturalis inclinatio voluntatis obsequitur caritati.” Certes, cette phrase justifie la raison d’être de la nature au point de vue théologique, mais elle est différemment interprétée par la royauté se considérant comme nature. Elle signifie que la nature précède la grâce d’après l’ordre chronologique(temporel).

[11] Pour l’édition de la chronique, Natalis de Wailly, « Pars ultima Chronici anno M.CCC. XVII. A. Gullelmo Scoto, Sancti Dionysii monacho, sonscripti », Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t. 21, 1855, p. 201-211. Pour celle des miniatures, H. Martin, Légende de saint Denis. Reproduction des miniatures du manuscrit original présenté en 1317 au roi Philippe le Long. Introduction et notices des planches, Paris, 1908.

[12] Pour le premier éclaircissement de ces manuscrits, voir L. Delisle, « Notice sur un recueil historique présenté à Philippe le Long par Gilles de Pontoise, abbé de Saint-Denis », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. 21, 1865, p. 250-252. Voir aussi, B. Hauréau, « Yves, moine de Saint-Denys », Histoire littéraire de la France, t. 31, Paris, 1893, p. 143-151.

[13] En fait, le manuscrit du fonds latin 13836 de la Bibliothèque nationale (c’est l’ancien manuscrit 1082 du fonds latin de Saint-Germain que Léopold Delisle a expliqué dans son « Notice ») commence par la mort du roi mérovingien Dagobert I (629-639), en raison de la perte de la partie débutante. Il ne contient que les chapitres 57-168, mais nous pouvons vérifier le contenu complet avec le BN. lat. 5286, qui est une copie  exécutée avant le milieu du XIVe siècle sur les manuscrits précédents, mais dépourvus de traduction française (B. Grémont, « La Chronique d’Yves de Saint-Denis », Positions des thèses de l’École des Chartes, Paris, 1952, p. 61-62.)

[14] C. Beaune, Naissance de la nation France, Paris, 1985, p.90-93.

[15] J. R. Strayer, « France: the Holy Land, the Chosen People, and the Most Christian King », dans Th. K. Rabb et J. E. Seigel (éd.), Action and Conviction in Early Modern Europe. Essays in Memory of E. H. Harbison, Princeton, 1969, p. 3-16.

[16] Ph. Contamine, « L’oriflamme de Saint-Denis aux XIVe et XVe siècles. Étude de symbolique religieuse et royale », Annales de l’Est, 5e série, 25, n.3, 1973, p.179-244; G. Spiegel, « The Cult of Saint Denis and Capetian Kingship », art. cit., p. 58-61.

[17] B. Guenée, L’occident aux XIVe et XVe siècles. Les États, Paris, 1981, p. 121-123 ; C. Beaune, Naissance de la nation France, Paris, 1985, p. 93-96.

[18] L. Delisle, « Notice sur un livre de peinture exécuté en 1250 dans l’Abbaye de Saint-Denis », Bibiliothèque de l’Ecole des Chartes, t. 38, 1877, p. 454-456 ; G. Spiegel, « The Cult of Saint Denis and Capetian Kingship », art. cit., p. 54; C. J. Liebman, Étude sur la vie en prose de saint Denis, op. cit., p. xxxv-xxxvi.

[19] R. Bossuat, « Traditions populaires relatives au martyre et à la sépulture de Saint Denis », Moyen Âge, t. 62, 1956, p. 483-487 ; G. M. Spiegel, The Chronicle Tradition of Saint-Denis : A Survey, Brooklin et Leyde, 1978, p. 113-115.

[20] L. Delisle, « Notice sur un recueil historique présenté à Philippe le Long par Gilles de Pontoise, abbé de Saint-Denis », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. 21, 1865, p. 253-256 ; G. Hasenohr, « Discours vernaculaire et autorité latines », dans H. J. Martin et J. Vezin (dir.),  Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, 1990, p. 310-311. Le nom de traducteur est marqué à la dernière ligne dans fr. 2092, fol. 111v : « Ja fenist ces verz Boitbien. ».

[21] Par exemple le prologue de la vie de saint Denis en latin (fr. 2090, fol. 9r-12v) qui commence par « Prologus in vita et passione sanctissimi Ariopagites Dyonisii totius Gallie apostoli. Celestis prorsus et divina lingua … » est traduit en français (fol. 13r-16V) qui commence par « Prologue en la vie et en la passion du tres saint Ariopagite Denis qui fu de toute France apostre. Le secont prologue. Celestiel du toute en tout et devine langue… »

[22] G. Hasenohr, « Discours vernaculaire et autorité latines », dans H.-J. Martin et J. Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, 1990, p. 303-306. Selon elle, cette sorte de mise en forme de bilinguisme apparaît déjà aux livres universitaires sur la grammaire latine des XIIe-XIIIe siècles.

[23] L. Delisle, « Notice sur un recueil historique présenté à Philippe le Long par Gilles de Pontoise, abbé de Saint-Denis », art. cit., p. 256-257. Voir les 81 planches dans la reproduction de Henry Martin, Légende de saint Denis. Reproduction des miniatures du manuscrit original présenté en 1317 au roi Philippe le Long. Introduction et notices des planches, Paris, 1908.

[24] A. W. Lewis, Le sang royal. La famille capétienne et l’État, France, Xe-XIVe siècle, op. cit, p. 147-148 et 193-201.

[25] L. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, t .1, Paris, 1907 [Amsterdam, 1967], p. 306-307 (LXXXV).

[26] Le BNF, latin 5286 qui est une copie latine et complète datant du milieu du XIVe siècle, un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale à Berlin (lat. fol. 53) qui contient la troisième partie en latin et un manuscrit du Vatican, fonds de la Reine, n. 695.2L. L. Delisle, « Notice sur un recueil historique présenté à Philippe le Long par Gilles de Pontoise, abbé de Saint-Denis », art. cit., p.258-260 ; C. J. Liebman, Étude sur la vie en prose …, op. cit., p. xxxiv.

Cf. Il ne faut pas oublier encore la production de l’hagiographie de saint Denis, rédigée au XIIIe siècle. Sur les manuscrits de la version française des Vita et actus beati Dionysii (La vie et passion de saint Denis), après XIVe siècle, voir C. J. Liebman, ibid. : BN, fr. 696 ; fr.1040 ; Londres, BL, Add. 15606 ; Egerton 745. Surtout le premier manuscrit (BN, fr. 696) était déposé dans la librairie du Louvre (L. Delisle, Recherches sur la libraire du Charles V, t. I, op. cit, p. 305-306).

[27] G. Paris, La poésie du Moyen Âge. Leçon et lectures, 2e sér., 7e éd., 1922, p. 190-191 : « Dans la poésie en langue vulgaire … nous retrouvons les restes du Moyen Âge à côté de tendances nouvelles. … Au XIIIe siècle, cet amusement a encore été celui des princes et des seigneurs, qui ne font plus chanter de chansons de geste à leurs tables, … Au XIVe siècle, ce goût baisse d’un degré: ce n’est plus dans les châteaux, c’est sur les places publiques que les jongleurs exécutent leur rapsodies, et leurs productions se ressentent de cet abaissement. …Tels sont les romans de Lohier et Maillart, … de Charles le Chauve, devenu un roi mérovingien comme Ciperis de Vignevaux, … de Florent et Octavien, … Le poème de Hugues Capet … est intéressant parce qu’il met en relief, plus que d’autres, la tendance bourgeoise de cette poésie, désireuse de plaire à un nouveau public. »

Sur la généralité des cinq poèmes : R. Bossuat, « Traditions populaires relatives au martyre et à la sépulture de Saint Denis », Moyen Âge, t. 62, 1956, p. 479-509 ; « Le roi Dagobert, héros de romans du Moyen Âge », Comptes-rendus de l’Académie des inscriptions et des Belles-lettres, 1964, p. 361-367.

[28] P. Paris, « Chansons de geste XIII. Florent et Octavian », Histoire littéraire de la France, t. 26, 1873, p. 303-335 ; R. Bossuat, « Florent et Octavien, chanson de geste XIVe siècle », Romania, t. 73, 1952, p. 289-331. Les deux héros Florent et Octavien, chevaliers, sont ici au service du roi Dagobert, qui gagne une bataille contre les Sarrasins, grâce à l’intervention de saint Denis.

[29] P. Paris, « Chansons de geste V. Hue Capet », Histoire littéraire de la France, t. 26, 1873, p. 125-149 ; R. Bossuat, « La chanson de “Hugues Capet” », Romania, t. 71, 1950, p.450-481.

[30] P. Paris, « Chansons de geste IV. Charles le Chauve », Histoire littéraire de la France, t. 26, 1873, p. 94-125 ; R. Bossuat, « Dieudonné de Hongrie », Dictionnaire des lettres françaises. Le Moyen Âge, G. Hasenohr et M. Zink(dir.), Fayard, 1992, p. 384-385. Un protagoniste de ce poème est Dieudonné de Hongrie, fils de Philippe, chassé de France par un traître après la mort de son père, Charles le Chauve. Il est le père de Dagobert.

[31] R. Bossuat, « Theséus de Cologne », Moyen Âge, t. 65, 1959, n. 1-2, p. 97-133 ; n. 3, 293-320 ; n. 4, 539-577 ; L. Theis, « Dagobert, Saint-Denis et la royauté française au Moyen Âge », art. cit., p. 28-29. Dans ce poème, Dagobert protège le héro Theséus, fils du roi de Cologne, contre l’empereur de Rome Esmeré. Selon Robert Bossuat, ce poème, qui présente le roi Dagobert comme l’origine du modèle de « roi sage », était très répandu sous le règne de Charles V le Sage qui était aussi sans doute l’amateur de ce poème. L’aventure de Theséus était le thème de la peinture de luxe sur les murs de l’hôtel de Saint-Pol, et montrée en 1378, quand l’empereur germanique Charles IV visita la cour de France : « Toutesvoies, vindrent eulz jusques à la vieille chambre de la Royne, la quelle est près et encosté de la sale où est l’ystoire de Theseus » (Chronique des règnes de Jean II et de Charles V, t. II, op. cit., p. 259). Il avait aussi une tapisserie sur l’histoire de Theséus, offerte à Louis d’Orléans. Voir R. Bossuat, ibid., p. 304-316.

[32] P. Paris, « Chansons de geste II. Cipéris et Vignevaux », Histoire littéraire de la France, t. 26, 1873, p. 19-41 ; C. Badal-Dulong, « Cipéris de Vignevaux », Romania, t. 71, 1950, p. 66-78. Ici, Cipéris (ou Chilpéric ou Childéric II) est neveu de Dagobert Ier.

[33] R. Bossuat, “Le roi Dagobert: héros de romans du Moyen Âge”, Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et des Belles-lettres(séances de l'année 1964) (1965), pp. 361-367.

[34] E. H. Kantorowicz, The King’s Two Bodies. A study in Mediaeval Political Theology, Princeton Univ. Press, Princeton, 1957, p.329-336.

[35] B. Guenée, L'occident aux XIVe et XVe siècles. Les États, Paris, 1981, pp. 121-123.

[36] A. Boureau, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XVe-XVIIIe siècle, Paris, 2000.